28 mai 2020

Le droit d’être père face au droit d’être l’enfant de quelqu’un

La filiation légale d’un père à l’égard d’un enfant peut s’établir de cinq façons :

En l’espèce, une femme a accouché sous X d’une petite fille, qui, en l’absence de lien de filiation établi, a été admise comme pupille de l’état, puis placée à l’adoption dans une famille de futurs adoptants le 15 février 2017.

De son coté, le père biologique a engagé des recherches dès le 2 février 2017 pour retrouver et pouvoir reconnaitre l’enfant. Ses recherches aboutiront et un acte de reconnaissance sera établi le 12 juin 2017.

En parallèle, le couple d’adoptants a déposé une requête en adoption plénière, adoption qui a été prononcée et confirmée par la Cour d’appel, malgré l’opposition du père biologique de la fillette. Ce dernier s’est alors pourvu en cassation et a sollicité le renvoi au Conseil constitutionnel de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur l’examen des deux articles de loi suivants :

Le demandeur soutenait que ces textes étaient contraires au droit du père à mener une vie familiale normale, puisque dès lors qu’il ignore les dates et lieux de naissance de l’enfant, il est dans l’impossibilité d’établir sa filiation en seulement deux mois.

Il indiquait également que ces deux articles étaient contraires au principe fondamental selon lequel « la filiation biologique est première et l’adoption seulement subsidiaire », en favorisant la filiation adoptive au détriment de la filiation biologique.

Enfin, il estimait que le principe d’égalité devant la loi était bafoué. Selon le demandeur, dans le cas d’un accouchement sous X, seule la mère biologique est informée des conséquences d’un accouchement secret et de facto des date et lieu de naissance de l’enfant, mais le père biologique dispose pourtant du même délai de deux mois pour établir sa filiation. De plus, cette rupture d’égalité devant la loi résulterait également de l’empêchement fait au père biologique de faire concurrence à l’adoption une foi l’enfant placé.

De l’examen fait par le Conseil constitutionnel, il ressort que ces deux QPC portent en réalité sur la brièveté du délai de deux mois laissé à un père biologique pour reconnaitre son enfant, et sur la rigueur de l’exclusion de toute reconnaissance possible dès lors que l’enfant est placé à l’adoption sans qu’aucune exception ne soit possible.

Dans une décision du 7 février 2020, le Conseil constitutionnel écartera cependant chacun des griefs du père biologique.

Il estime que l’existence d’un délai incompressible avant toute possibilité d’adoption respecte le droit à mener une vie familiale normale des parents biologiques. La durée limitée à 2 mois de ce délai respecte quant à lui le droit de l’enfant dépourvu de filiation de voir sa filiation établie le plus rapidement possible afin de lui assurer un développement sécurisant.

Le Conseil constitutionnel ajoute que permettre à un parent biologique de reconnaitre l’enfant une fois celui-ci placé à l’adoption serait de nature à faire obstacle à l’aboutissement de la procédure d’adoption. Or, le Conseil indique que le législateur a entendu protéger la stabilité d’un enfant vivant déjà au quotidien avec les futurs adoptants. En outre, il est rappelé la possibilité par tout parent biologique de reconnaitre son futur enfant avant sa naissance.

Enfin, le Conseil constitutionnel rappelle que le principe d’égalité devant la loi suppose que des personnes placées dans une situation identique soient traitées de la même façon. A contrario, il indique que rien n’oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. Aussi, le Conseil constate que les dispositions renvoyées à son analyse n’instituent pas de différence de traitement entre le père biologique et la mère biologique, pas plus qu’avec les futurs adoptants.